"J'avais creusé une tombe profonde pour y enterrer toutes mes pensées
et avec elles ton image.
Maintenant
il y a tout qui me traverse d'un coup la tête comme des comètes
avec plus de puissance,
Je
vois tout clairement comme si c'était hier et j'avais face à moi
ton visage.
chaque
fois que tu te tenais début et gardais tendu tes distances devant
moi,
chaque
fois que l'on marchait les deux ensemble, circonspects, en silence,
chaque
fois qu'on se croisait et je te regardais disparaître au fond du
couloir,
chaque
fois qu'assis sur l'herbe et en buvant on a vu à l'horizon le soleil
couchant.
Fallait
croire qu'on avait manqué un chapître et l'histoire n'était pas
encore finie.
Dès
ma fenêtre j'ai vu les saisons passer et les arbres dormants ôter
enfin leur habit,
j'ai
attendu obstinée l'oubli août, octobre, décembre avec patience
jusqu'à défaillir.
Helàs
je me rends compte que le temps m'a trahi et que la vie est une
comédie,
elle
m'amène de nouveau la finesse de ton humour et l'intensité de tes
regards furtifs,
elle
m'amène les ravages de ton énergie chaotique sur ma chair comme un
feu vif,
elle
m'amène le secret plaisir nocturne, la fusion ultime de deux corps
brûlants sur un lit,
elle
m'amène ta voix, ta colère, tes cris, mais aussi ta bienveillance,
ton amour, tes désirs.
Et moi
qui me croyais fée, sirène, sorcière, me voici ensorcelée par la
verve de ta poésie magique,
cherchant
à jamais l'union astrale désespérée, l'hurlement du grand besoin
métaphysique,
de
fondre deux âmes blanches au fond d'un puits pour en faire une plus
pure et dévastatrice
que
l'irrévocable attraction fatale de l'univers tournant autour de son
noyau obscur et sublime.
Homme,
j'ai prononcé ton nom un million de fois dans mes rèves jusqu'à
oublier comment le dire.
Désormais
j'aurai besoin de tes mots envoûtants comme les étoiles nécessitent
du noir pour luire,
si
pour les avoir il faut veiller à toi et ton coeur fragile je
passerai mille et une nuits sans dormir,
Et
dans mes journées de solitude je tirerai fort vers moi de la chaîne
invisible qui nous unit,
pour
te trainer en dehors des profondeurs de l'abîme si tes forces te
lâchent et que tu t'enfouis."
S. Hexentanz
(Alone together, Maria Kreyn)
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